Le vieux qui prétendait traverser l’Atlantique

Préparatifs

Ça y’est c’est parti pour l’aventure (elle commence le 24 novembre 2018 juste après avoir fêtés mes septante trois printemps) et avec l’aventure son lot d’emmerdes, qui volent en escadrille selon la formule consacrée. Panne de courant à la maison pour commencer donc plus de chauffage puis cette chute de neige inattendue qui piège le bateau sur sa remorque sur mon terrain à 1150m d’altitude dans mon village des hautes alpes. J’ai pensé bêtement pluie, mais il peut neiger à +2° j’en fais l’expérience : premier petit stress. Et on prend la pelle et à l’ancienne on déneige… Tu veux être libre, il faut assumer… Ce n’est qu’un début…

 

Finalement j’arrive à sortir le bateau du piège avec une manœuvre compliquée et grâce à l’aide de mon gentil nouveau voisin Pierre Lubac je le gare devant son garage au bord de la route d’où je suis sur de pouvoir repartir si la météo venait à se gâter. Le pire n’est pas toujours sûr, alléluia… Affaires rassemblées et c’est compliqué pour six mois, c’est le départ le 28 à 14 h. Direction port de St CHAMAS, au fond de l’étang de Berre, ou vivent Baptiste et son bateau.

 

Apres quelques petites tensions sur des départementales étroites, trop fréquentées, et bordées de fossés menaçants (merci GPS) avec 3 Tonnes et 12m derrière regard fixé sur l’image des roues de la remorque dans le rétroviseur, j’arrive enfin à bon port dans la nuit. Baptiste ami de 40 ans, perdu de vue pendant 30, vit sur son bateau depuis 12 ans, 10m alu dans le port le moins cher de la mediterrannée (42 € à la semaine pour un bateau sous les 8 m : le mien) 1200 € à l’année pour Baptiste, 2400 € à l’année en visiteur ce qui fait 200€ /mois.

 

La question de la place de port reste onéreuse et compliquée, que faire ? Vivre en mouillage avec les risques que cela comporte une bonne partie de l’année, opter pour un port à sec, un corps mort, toutes les solutions ont leurs avantages et leurs inconvénients, la mienne, le transportable, est parmi les moins coûteuses mais limite la taille du bateau. Pour Baptiste 100 €/mois de loyer, plus de voiture, plus de maison, c’est la sobriété. Est elle heureuse ? Je ne sais pas, en tout cas hors les frais d’entretien d’un bateau souvent dispendieux c’est une vie adaptée à nos retraites : le minimum vieillesse 800€/mois pour Baptiste, élégamment nommé allocation de solidarité aux personne âgées, qui n’est en réalité qu’un prêt récupéré sur la succession au décès de la personne. Et 570€/mois pour moi avec un complément de 300€ pris sur mon épargne… Nous avons vécu et bien vécu, sans le souci du grand age…

 

 

Sur le parking du port de St CHAMAS, TIMOUN garde la neige des Hautes Alpes

 

...Et un mois de préparation à St Chamas (étang de Berre)

 

 

Il fait froid en méditerranée aux abords de l’hiver mais les journées sont douces et les oiseaux de toutes plumes
donnent une allure printanière à l’étang de Berre aux heures chaudes du jour.

 

 

 

Contemplation…

J’avais sûrement besoin de ces longs moments où l’on ne fait rien. Et en la matière Baptiste est un maître.

 

La pluie tambourine, la mer s’anime, tout cela est bien sombre et mon âme aussi, le doute s’installe : serais-je capable d’affronter en mer la longue nuit d’hiver, les eaux noires, la solitude, l’humidité, le manque de sommeil et le froid ? (et, j’ajoute à postériori le mal de mer) Le vieux voulait traverser l’atlantique certes mais le rêve se cogne à la vitre de la réalité. La versatile méditerranée nous a encore fait une de ces journées dont elle a le secret et le jour de la mise à l’eau nous sommes trempés jusqu’au os. On se prend à rêver de ces longues houles de l’atlantique : soleil, chaleur, l’alizé… mot magique. Vivre ses rêves comporte un part de souffrance, beaucoup renoncent au moment du choix, je ne me sens pas plus courageux mais il faut se mettre à l’eau : allez le vieux encore un peu d’audace que diable !

 

 

Retrouvailles avec Baptiste ami de 40 ans et des 400 coups

 

J’ai trouvé une définition personnelle du voilier, inspirée par mon expérience, parmi tant d’autres très connues.
Voilier : mode de déplacement sophistiqué qui engendre une variété remarquable de problèmes. Cette expérience je l’ai faite chez ce shipchandler qui, commerce oblige, m’a brossé un tableau fort dégradé de mon circuit électrique. Avec, à la clé, bien sur, une facture salée.
La définition tintée d’absurde qui me plait bien me reviens à l’esprit. Voilier : le moyen le plus lent, le plus inconfortable, le plus humide, et le plus cher, d’aller d’un endroit ou l’on ne sait pas quoi faire à un endroit ou l’on ne sait pas ce qu’on va faire.

 

Et puis ce furent les copains de Baptiste qui connaissent bien le personnage et son bateau – il fréquente ce port depuis 12 ans - qui tentèrent de le (nous) dissuader de ce projet jugé comme fou au vu des bateaux et de l’age des capitaines… Certes… Après pas mal de perte de temps sur le circuit électrique du bateau, matage le 3 décembre enfin au point avec mon système de « chèvre » et de renvoi de drisse

 

Matage avec renvoie des forces sur l’extérieur, enfin au point, après avoir cassé quelques pieds de mât !...

 

 

Et puis les jours filent et nous ne somme toujours pas prêts
La météo est versatile, c’est la méditerranée
Et la beauté du soir qui passe
Vient pour tuer l’ennui qui menace

...A suivre

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